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Garth Ennis : l'ultraviolence et l'humour noir élevés au rang de (9e) art

Le 10-07-2021 par Sari qui parle de Comics Biographie

gros plan sur la couverture du The Boys

Gart Ennis fait partie des auteurs de comics que l'on pourrait classer dans la catégorie des auteurs postmodernes comme Mark Millar, Grant Morrison ou encore Warren Ellis.

Biberonné à la pop culture, ses œuvres détournent les codes des classiques de la bande dessinée, gangrènent les valeurs de l'Amérique pour présenter une vision plus viscérale et dérangeante du Bien et du Mal.

Un monde vrai et injuste où les méchants soulagent leurs pulsions sur les faibles et où les héros sont loin des personnages lisses habituellement dépeints dans les comics. Malheureusement, comme on va le voir, cela peut donner du génial (Preacher) et du franchement moins bien.

Petite biographie de Garth Ennis

portrait de Garth Ennis

Garth Ennis est né en Irlande du nord et y a vécu toute son enfance. Dès le plus jeune âge, il présente une haine épidermique pour la religion. Lorsque sa maîtresse lui demande, à 6 ans, ce qu'il pense de l'idée de Dieu, il répond qu'il "la trouve effrayante", puis plus tard, à sa mère, "complètement débile". Sa carrière d'auteur de comics, il la débute à 19 ans avec son premier succès Troubled Souls (1989) qui raconte l'histoire d'un jeune protestant pris dans les troubles du conflit irlandais.

True Faith, une satire de la religion sortie l'année suivante est vite retiré des ventes, car peu apprécié des croyants. Une bonne pub qui va permettre à Ennis d'intégrer 2000 AD, un hebdomadaire britannique de bande dessinée, afin d'y continuer les aventures de Juge Dredd.

Sa carrière se poursuit ensuite chez DC Comics avec les personnages de Hellblazer et de Hitman. Mais c'est avec Preacher qu'il va atteindre les sommets de la notoriété et gagner plusieurs prix prestigieux (4 prix Eisner). Suivront son travail de plusieurs années de refonte du personnage du Punisher chez Marvel (Punisher, Punisher Max et Punisher War Zone) et les longues aventures de Butcher et de son équipe dans The Boys.

Depuis, malgré la reprise du personnage classique Battler Britton, la création de ses 2 héroïnes ultra-badass, la guerrière russe Sara et la vigilante Jennifer Blood, son pastiche de James Bond pas très fin (Jimmy's Bastards) et son Crossed sans concession, Garth Ennis est un peu moins sur le devant de la scène.

Le style et les thèmes Garth Ennis

couverture Hellblazer

Le style de Garth Ennis se caractérise par plusieurs aspects. Tout d'abord, la religion tient une grande place dans tous ses récits. Non pas pour la promouvoir, mais pour la critiquer.

En cela, Ennis est un pur iconoclaste qui aime à mettre à mal d'une manière simple et directe les paradoxes des croyants.

Ainsi, dans Preacher, Dieu n'est pas une entité pleine de compassion pour ses ouailles, mais un personnage égotique et pervers qui se repaît de leur idolâtrie. Les supers héros de The Boy sont également présentés comme des superstars dégénérées, complètement dépravées et nocives qui profitent de leur statut tout en se prenant pour des êtres divins.

Une destruction en règle des modèles de l'Amérique qui permet à Ennis de critiquer également sa société et sa culture. Une approche intéressante, mais qui lorgne parfois sur un complotisme décomplexé qui nuit à l'ensemble, car trop simpliste.

Quant aux héros de Ennis, de Jesse Custer à Butcher, en passant par Jimmy's Bastards, ils représentent tous des archétypes de la culture classique américaine. Mais dans ses œuvres, ils sont détournés et utilisés comme des représentants de la contre-culture.

illustration the preacher

Autre aspect du style de Ennis : la virtuosité des dialogues. Les monologues de Jesse, les blagues de Cassidy, les échanges entre Butcher et Hughie, les punchlines du Punisher... L'humour de Garth Ennis est décapant et noir à souhait. Pour finir, le sujet qui fâche : l'ultraviolence dans les comics de Garth Ennis.

Parfois, elle est légitime et permet d'explorer les tréfonds de l'âme humaine (Crossed). D'autres fois, elle est simplement là pour choquer, voire pour faire rire (cf : les tribulations horribles de l'antagoniste de Jesse Custer dans Preacher). De même pour la perversion sexuelle de certains personnages qui met parfois très mal à l'aise.

On a alors l'impression que Garth Ennis fait preuve de complaisance envers les turpitudes de ses personnages, et ce n'est pas dans ces moments qu'il est à son meilleur.

Mes œuvres cultes de Garth Ennis

Preacher : un brûlot antireligieux à l'humour noir dévastateur

planche Preacher

Preacher, c'est sans conteste le chef d'œuvre de Garth Ennis. Toutes les thématiques qui lui sont chères sont là, et son récit est parfaitement équilibré malgré la folie qui émane du comics. En effet, les 3 personnages principaux sont un prêtre du Texas qui possède le verbe "la possibilité de contrôler les êtres par la pensée", un vampire irlandais centenaire et une tueuse à gage.

Tous les 3, ils se lancent à la poursuite de Dieu pour le dégommer tout en tentant d'échapper à un cowboy immortel et à une secte. Ajoutez à ce panel, des consanguins de l'Amérique profonde, Arseface (tête de cul), un fan de musique Grunge qui a raté son suicide, des méchants complètement sadiques, et vous obtenez une œuvre iconique et anarchique.

Seule ombre au tableau : les dessins de Dilon. Je sais qu'on vante beaucoup son travail, mais les persos présentent presque tous le même faciès coupé au couteau. Si bien qu'il est parfois difficile de savoir qui est qui. Quant aux décors, ils sont réduits au stricte minimum, notamment dans l'arc qui se passe pendant la guerre du Vietnam.

The Boys : le comics qui dézingue les comics

planche the boys

Garth Ennis n'a jamais caché sa haine des supers héros classiques de comics. Mais c'est dans The Boys que celle-ci est la plus visible. Le protecteur (Superman) est un dangereux malade à la tête d'une organisation de super-héros (les 7) plus cinglés les uns que les autres.

Pour les contrer, on trouve également une bande de cinglés menée par le terrible Butcher, un être assoiffé de vengeance et qui ne veut rien de plus que tuer le Protecteur.

Les seuls personnages auxquels on peut se rattacher sont Huguie, le nouveau membre de la troupe de Butcher dont la copine a été une victime collatérale "d'actes héroïques", et Annie, la nouvelle membre des 7 "accueillie" par un viol collectif. Dans cette œuvre, Garth Ennis nous présente une vision plus que politiquement incorrecte du monde. Il fait clairement référence aux attentats du 11 septembre (la destruction du Pont de Brooklyn) et implique de manière implicite l'État profond américain.

Une vision "bourrine" qui nuit un peu au comics en le rendant parfois trop simpliste. On justifie les agissements très limites des Boys (agression, intimidation et meurtre), en ne présentant quasi aucun super héros de manière positive. Ils sont tous, à leur niveau, manipulateurs, pervers, violents et malhonnêtes. Mais le final jusqu'au-boutiste rattrape ce sentiment, conclut parfaitement la série et justifie totalement sa lecture.

A propos de l'auteur Sari

J'ai découvert la lecture avec la sainte trinité de la BD franco-belge : Astérix, Tintin et Lucky Luke. Au collège, j'ai dévoré la section Bande dessinée du CDI et plus particulièrement les séries Thorgal, Alix et Gaston Lagaffe. J'ai lu ...
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